Comment surmonter l’angoisse pendant le chômage:interview avec monsieur YABEMBA MAïLA Guy Patrick 25 février 2025

2
818

Ne perds pas espoir ! Je sais que parfois tu as des envies de suicide mais ce n’est pas la bonne option. Pourquoi tu penses que c’est fini ? C’est vrai tu as fait des études, tes parents t’ont envoyé à l’école pensant que tu devais avoir un travail après tes études cependant, la réalité d’aujourd’hui est toute autre. Tu es déprimé(e) et tu as l’impression que l’Etat, les professeurs et tes parents t’ont menti, tu es frustré(e). Tu as des enfants et tu te demandes si tu dois continuer à les envoyer à l’école.

Ne t’inquiète pas, il y a une suite, il y a la possibilité de se relever.

Quelqu’un d’autre peut se dire qu’il n’a pas étudié, qu’il n’a pas de qualification. Tes parents n’ont pas eu les moyens de payer ta scolarité et aujourd’hui tu es sans emploi. Tu te dis que tout est fini et qu’il n’y aura pas de meilleurs jours.

Ne perds pas espoir, il y a un avenir.

Nous allons aujourd’hui à la Conférence Interafricaine des Marchés d’Assurance rencontrer un géant qui a accepté de nous recevoir et partager son histoire. Il s’agit de monsieur YABEMBA MAYILA Guy Patrick.

Qui est Monsieur YABEMBA MAYILA Guy Patrick ?

Je suis un administrateur économique et financier diplômé de l’Institut de l’économie et des finances, et contrôleur financier au niveau de la CIMA qui regroupe quatorze pays africains et la France.

Comment en êtes-vous arrivé là ?

C’est une question de destin qui ne peut s’accomplir qu’avec le concours de soi. Je vous partage mon expérience pour mieux comprendre de quoi il s’agit.

J’ai obtenu un bac C maths-physiques après mon parcours secondaire et obtenu une maîtrise en gestion et administration des entreprises. Puis j’ai entamé le 3ème cycle en économie monétaire internationale ensuite j’ai obtenu le concours d’entrée à l’IEF et je suis sorti de là administrateur économique et financier. Mais tout cela n’a pas été facile.

Avez-vous connu le chômage ?

Au sortir de ma maîtrise et mon 3ème cycle, le monde du travail m’était fermé. J’ai passé trois ans et demi au chômage, sans emploi mais diplômé. Après beaucoup de recul, cette expérience m’a appris que la vie n’est pas toujours aisée mais il faut savoir utiliser ce qu’on a appris pour s’en sortir.

Comment avez-vous fait pour tenir durant ces trois années et demie de chômage ?

J’ai utilisé le potentiel acquis durant ma formation et ma personnalité. Chaque individu a une personnalité, malheureusement plusieurs ne sont pas conscients de leur personnalité. J’ai eu la grâce de valoriser ma personnalité pour avancer et d’intégrer le capital connaissance que j’ai acquis au cours de ma formation. Ayant suivi des cours de gestion à la base et ayant un fond scientifique, je ne me suis pas laissé faire. Il y a un adage qui dit que « la vie est un combat » et il faut, lorsque nous sommes confrontés à de telles difficultés, y faire face. C’est fort de cette analyse que je me suis remis en question. Je me suis dit que si l’Etat ne m’utilise pas, moi-même je le ferai. Ainsi, j’ai dispensé des cours dans plusieurs établissements supérieurs et j’ai lancé un commerce de vente de madeleines. Pour un Gabonais lambda c’est gênant mais je ne me suis pas découragé et j’ai même supporté certaines de mes charges avec les revenus des madeleines.

Cela voudrait dire qu’aujourd’hui encore on peut vendre des madeleines pour s’en sortir ?

Oui, on peut espérer. Il n’y a pas que les madeleines. Vous voyez quand vous voulez vous affirmer dans la société il faut adopter une attitude qui nous amène à identifier des besoins autour de vous et les satisfaire. Pour mon cas de figure c’était les cours dispensés et la vente de madeleines.

Si je comprends bien un jeune qui a suivi une formation peut utiliser sa formation, sa personnalité et étudier le marché en vue de se positionner ?

Oui c’est exact. Si vous avez un savoir-faire il faut le mettre à profit. Vous devez utiliser votre savoir afin d’apporter des solutions en contrepartie d’une rémunération. Ce revenu peut vous permettre de vous déployer et de vous réaliser. Les jeunes aujourd’hui recherchent la voie de la facilité c’est pourquoi il me plaît de partager cette expérience, celle d’un homme qui finit ses études et se retrouve au chômage mais ne se laisse pas faire. Il utilise ce qu’il sait faire pour s’en sortir et même se réaliser.

A vous entendre, est-ce qu’on doit comprendre que la vie est un cheminement, que malgré le chômage on doit utiliser son savoir, suivre le cheminement et ne pas se laisser abattre ?

Tout à fait ! La vie est un cheminement. Prendre la vie comme une fatalité nous amène à poser des actes réprimés par la société par contre, ne pas subir la vie nous amène à réfléchir et trouver des activités qui permettront de se réaliser dans la société.

Certains discours sur les réseaux sociaux poussent à croire que nos petits frères qui sont en Terminale nous retrouveront au chômage.

Il y a de l’espoir. Je vais du principe qu’on ne peut pas être bien formé et subir. Si vous êtes bien formé vous avez déjà le capital nécessaire pour vous frayer un chemin. C’est plutôt la mauvaise approche de la compréhension de la notion du travail qui pose problème. Dans notre arrière-plan, ce que les aînés nous ont laissé et dans l’approche française des choses, nous définissons le travail comme étant assis derrière un bureau à examiner des dossiers. Hors le travail est tout autre. Je le définirai comme être capable d’exercer une activité génératrice de revenus à partir de ses mains et de sa tête. Malheureusement nous nous sommes écartés de cette définition simpliste du travail. Nos aînés comment faisaient-ils ? Ils étaient dans les champs, à la pêche ou la chasse et ce qu’ils produisaient constituait l’essentiel de leur richesse. Est-ce qu’ils se retrouvaient dans une entreprise ou derrière un bureau ? Malheureusement, cette compréhension semble disparaître et c’est pourquoi il y a beaucoup de chômeurs.

Je crois que les parents ont aussi leur rôle à jouer pour encourager leurs enfants à se lancer dans l’entrepreneuriat. En effet, plusieurs parents mettent l’accent sur l’aspect de l’école ou des études pour obtenir un travail et banalisent l’entrepreneuriat.

En effet, cette manière de pensée est courante bien qu’elle n’est plus d’actualité. C’est la vieille école et nous devons changer de paradigme car tant que nous y serons, les choses ne changeront pas. Le chômage dans notre contexte est psychologique, il est culturel. D’aucun pense que travailler c’est être dans un bureau, être embauché à la fonction publique ou dans le privé.

Quel serait votre mot de fin pour cette interview ? Qu’est-ce que nous pouvons retenir ?

Je résumerai mes propos sur trois axes.

– Capitaliser et valoriser la formation que nous acquérons. Aujourd’hui, les jeunes se forment pour les notes non plus pour les connaissances à cause de cela ils ne sont plus pertinents sur le marché du travail ;

– Se distinguer dans la société par le savoir que nous avons acquis. C’est à partir de ce savoir qu’on peut se frayer un chemin, qu’on peut maîtriser la vie. Or quand on ne l’a pas, on finit par chercher des solutions rapides. Ces dernières ne conduisent pas à un développement durable. Ainsi, je demanderais aux jeunes de revoir leur approche au niveau du savoir et valoriser ce qu’ils ont comme potentiel ;

– Ne pas être pressé. Je suis un bantou et j’aime souvent revenir à la source, il y a un adage chez nous qui dit que « lorsque vous prenez une soupe chaude, elle vous brûle le palais. Il faut un peu de patience et attendre que cette soupe refroidisse». Nous prenons des décisions, nous agissons vite, nous sommes vite découragés et malheureusement nous subissons la vie. Dans mon parcours j’ai dû attendre avant de trouver un emploi et même être promu. En effet, j’ai fait quinze(15) ans chargé d’études.

S’abonner
Notification pour
guest
2 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Nguema Marie Clémence

Bel échange édifiant

Karle Garence Baloucki Owanga

Merci beaucoup